ENFANTS  DE  LA  VEUVE


Pourquoi les francs-maçons sont-ils les enfants de la Veuve ?


L’équation est des plus simples à énoncer. Souhaitant bâtir une maison à l’Éternel, le roi Salomon « fit venir de Tyr Hiram, fils d’une veuve de la tribu de Nephthali, et d’un père tyrien, qui travaillait sur l’airain » (I Rois 7:13-14). Si l’on admet que, par son initiation, le maître maçon renaît dans le corps d’Hiram – tué par de mauvais compagnons –, il devient de fait, lui aussi, le « fils » de la veuve de Nephthali. CQFD. 

 

De la relation biblique de l’intervention d’Hiram, un homme « rempli de sagesse, d’intelligence, et de savoir pour faire toutes sortes d’ouvrages d’airain », dans la construction du temple de Jérusalem, à l’affirmation selon laquelle tous les francs-maçons sont des « Enfants de la Veuve », s’étend le champ symbolique du mythe de la mort du maître et du relèvement de son corps par les cinq points de la Maîtrise. Bref, Hiram est mort, mais que vivent les francs-maçons, ses fils et héritiers spirituels...


Enfants de la Veuve, les francs-maçons sont aussi, par Isis, Osiris et Horus, héros de l’Égypte antique, les « enfants de la Lumière ». Souvenons-nous : jaloux de son frère Isis, Seth le tue et le jette, démembré, dans les eaux du Nil ; la veuve d’Isis, Osiris, reconstitue le corps de son époux qui la féconde, d’où la naissance d’Horus, le dieu lunaire – dieu de la vie et de la renaissance. 


Nul besoin d’aller plus avant pour établir, par Hiram et par Isis, ce postulat selon lequel l’initiation consiste essentiellement à insuffler l’esprit maçonnique dans la matière inerte du profane, pour le transformer en être de lumière et le faire entrer dans le corps symbolique d’Hiram. 


Enfants de la Veuve, les francs-maçons le sont encore par leur appartenance à la Franc-maçonnerie, une institution spirituelle née du chaos des hommes, des préjugés, des envies, des jalousies et des hai­nes ; car celle-ci a perdu son maître, qu’elle s’efforce de retrouver en chacun de ses nouveaux adeptes. En donnant la lumière aux profanes, elle redonne vie à Hiram, qui s’apparente à l’homme primordial, cet être aux possibilités infinies, que créa le Grand Architecte de l’Univers au sixième jour des temps passés. 


La Franc-maçonnerie est la Veuve, et le franc-maçon son Enfant.


En se reportant au mot latin vidua, ayant pour signification vide, privé de, Jules Boucher voit dans les Enfants de la Veuve des « Enfants de l’Espace » ; et l’espace symbolisant la liberté des « Enfants de la Liberté ». 


« Mais la Veuve, souligne-t-il, est caractérisée par un voile noir et symbolise alors les ténèbres qui sont inhérents à l’espace. C’est pourquoi les maçons sont simultanément les  « Enfants de la Veuve » et les « Enfants de la Lumière ». 


Ils sont Enfants du Monde des Ténèbres, mais au sein de ce monde ils se manifestent comme En­fants de Lumière. 


Relevé curieusement, dans un rituel moderne de maître maçon du Rite français, cette autre explication :


Question. - Pourquoi dit-on Enfants de la Veuve ?

Réponse. - C’est que tous les Maçons se disent frères d’Hiram qui était fils d’une veuve...


• À moi les Enfants de la Veuve. - L’expression est bien connue des maîtres maçons ; elle figure dans le rituel de leur grade, comme cri d’appel au secours – que se doivent au péril de leur vie tous les membres de l’Ordre maçonnique. Elle a parfois été prononcée dans le monde profane, notamment en ce 26 juin 1899 à la Chambre des députés, lorsqu’un élu franc-maçon a voulu assurer la survie d’un gouvernement en péril…


• Le tronc de la Veuve. - Le frère hospitalier a fait le tour du temple maçonnique, une boîte en bois ou une bourse à la main, afin de recueillir les aumônes des frères ; puis il s’est placé entre les colonnes.


– Vénérable Maître, dit le premier surveillant, le Tronc de la Veuve est à votre disposition.

– Quelqu’un demande-t-il le Tronc de la Veuve ?, interroge le vénérable maître qui, dans le silence de la loge, ajoute : Qu’il me soit apporté.


À noter que tout frère dans le besoin peut, selon la tradition maçonnique, demander le tronc de la Veuve pour son propre usage ; sans que soit exigée de sa part la moindre explication.


• Voir : La Symbolique maçonnique (Jules Boucher, Dervy, 1948). Rituels de Maître maçon des Rites français et écossais ancien et accepté.

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© Guy Chassagnard 2023