LE  CHEVALIER  DE  RAMSAY


Le chevalier de Ramsay a-t-il inventé les hauts grades écossais ?


Tous les Anciens Devoirs, ou presque, sont d’accord sur un point : la « science de la maçonnerie », issue de celle de la géométrie, est née au temps lointain du déluge, lorsque les fils de Noé édifièrent et gravèrent les colonnes de la connaissance. Retrouvée par Hermarinès, elle fut ensuite transmise par Abraham, Euclide et Salomon jusqu’à la terre de France où elle parvint sous le règne de Charles Martel. De là, elle fut introduite outre-Manche par saint Alban et structurée par le roi Athelstan et son fils le prince Edwin.

 

Nous sommes là dans la tradition maçonnique opérativeo; codifiée à jamais par le révérend Ja­mes Anderson – en 1723 –, au nom de la Grande Loge de Londres. Mais est apparu, sur la scène maçonnique spéculative, le chevalier André Michel de Ramsay (1686-1743), avec son Discours de 1736. 


Il lui a suffi de quelques lignes pour changer la face du monde maçonnique ; comme aurait pu le faire pour le monde profane la reine Cléopâtre si elle avait eu un nez plus court (Pascal)... 


Ramsay a écrit :


« Du temps des guerres saintes dans la Palestine, plusieurs princes, seigneurs et artistes entrèrent en société, firent vœu de rétablir les temples des chrétiens dans la terre sainte, s’engagèrent par serment à employer leur Science et leurs biens pour ramener l’Architecture à la primitive institution, rappelèrent tous les signes anciens et les paroles mystérieuses de Salomon, pour se distinguer des infidèles et se reconnaître mutuellement [et décidèrent de] s’unir intimement avec les Chevaliers de saint Jean de Jérusalem. 

 

« Dès lors et depuis, nos Loges portèrent le nom de Loges de saint Jean dans tous les pays. Cette union se fit en imitation des israélites lorsqu’ils rebâtirent le second temple. Pendant que les uns maniaient la truelle et le compas, les autres les défendaient avec l’épée et le bouclier. »


Par son détour en Terre sainte au temps des croisades, le chevalier de Ramsay n’altère en rien la tradition maçonnique ; il ne fait qu’allonger la route symbolique et spirituelle de la Maçonnerie. Son second Discours – celui qu’il n’a pas eu, pense-t-on, la possi­bilité de prononcer –, n’apporte pas de précisions supplémentaires :


« Notre Ordre ne doit pas être regardé comme un re­nouvellement de bacchanales, et une source de folle dissipation, de libertinage effréné, et d’intempérance scandaleuse, mais comme un Ordre mo­ral, institué par nos ancêtres dans la Terre Sainte pour rappeler le souvenir des vérités les plus sublimes, au milieu des innocents plaisirs de la Société. »


Où lit-on que Ramsay s’est prononcé pour l’instauration de hauts grades ? 


Où trouve-t-on cette justification relevée dans un texte très sérieux diffusé sur Internet : 


« Ramsay introduisit en France la Franc-maçonnerie de rite écossais » ? Mystère… 


Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire de connaître le nom de l’inventeur de la roue pour pousser la brouette.


• Pour lire le texte des deux Discours de Ramsay, consulter : Les Anciens Devoirs (Guy Chassagnard, Éditions Pascal Galodé, 2014). Ramsay et ses deux Discours (Alain Bernheim, Éditions Télètes, 2011).

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